Travailler en société

Vous voulez fonder une société et hésitez entre créer une nouvelle société ou reprendre une société existante. Quelles sont les possibilités et comment cela se passe en pratique?

Travailler en société

1. Comment commencer ?

Si vous envisagez de transférer votre activité indépendante dans une société, il y a en principe deux manières de se lancer : soit vous reprenez une société existante, soit vous en fondez une nouvelle.

 

1.1. Vous reprenez une SA ou une SRL existante

Il est possible d’acquérir les actions/parts d’une société existante en reprenant celles des autres actionnaires et/ou en apportant des capitaux/de l’argent frais dans la société.

 

1.1.1. Par une reprise d’actions/parts

Dans le cadre d’une reprise d’actions/parts, vous achetez tout ou partie des titres d’un ou plusieurs autres actionnaire(s). Vous lui/leur payez pour cela un prix déterminé, et vous devenez vous-même actionnaire de la société. Le prix payé revient directement (et en principe sans taxation) aux actionnaires concernés. Pour la société, tout continue comme avant.

 

Comment s’y prendre concrètement ?

Au préalable, établir un bon contrat de reprise

Une fois que vous aurez examiné la situation financière de la société dont vous voulez devenir actionnaire, vous pourrez vous faire une idée de sa valeur et du prix que vous êtes prêt à payer pour les titres que vous allez reprendre. Il est toujours conseillé de vous faire assister par un comptable, qui pourra fixer une valeur sur base de la comptabilité de la société (bilan et compte de résultats).

 

Il sera également nécessaire que vous vous penchiez sur les risques supplémentaires susceptibles de survenir ou qui sont déjà survenus dans la société. Préalablement à la reprise, on effectue donc généralement une due diligence (c’est-à-dire à l’examen approfondi de la société). La due diligence implique d’examiner de manière approfondie, en vous faisant assister par des professionnels du droit et de la comptabilité, tous les documents importants de la société (les contrats qui la lient, les actes de la société, les autorisations, les affaires juridiques en cours, etc.). Si vous découvrez ainsi certains risques cachés, vous pourrez éventuelle­ment demander à ce moment-là une réduction de prix.

 

Vous pouvez aussi prévoir, dans l’accord de reprise, qu’une indemnité compensatoire devra être versée si des problèmes surviennent dans un délai déterminé.

 

Attention ! Tous les risques potentiels que vous avez déjà soulevés durant la due diligence (ou que vous auriez pu remarquer si celle-ci avait été effectuée en profondeur) ne peuvent en principe plus être utilisés par la suite pour demander le remboursement d’une partie du prix de vente à celui qui vous a vendu les actions. Le principe de la bonne foi joue en effet dans ce cas (selon la Cour d’appel de Liège dans un arrêt du 2 avril 2015). À moins bien entendu que le contrat de vente n’en dispose autrement, notamment si une garantie spécifique a été accordée pour ce risque.

 

En ce qui concerne les affaires que le vendeur vous aurait éventuellement cachées durant vos entretiens (les « cadavres dans le placard »), il est conseillé de prévoir des garanties dans le contrat de reprise.

 

Exemple

Vous voulez reprendre toutes les actions d’une entreprise de carrosserie. La société comprend également un immeuble. Sur base des derniers comptes annuels de la société, de la valeur de l’immeuble, de l’argent qui se trouve sur le compte et des comptes clients, le comptable obtient une valeur de 1 000 000 €. Si vous vous basez uniquement sur cela, vous devriez donc payer 1 000 000 € pour la reprise de la totalité des actions.

Il ressort toutefois de la due diligence que la société a affaire à un certain nombre de mauvais payeurs, pour lesquels des procédures ont déjà été engagées mais sans aucun résultat jusqu’à présent. Les comptes clients semblent finalement avoir bien moins de valeur que ce que la comptabilité ne laisse penser. Vous pouvez donc en principe déduire le montant concerné du prix de reprise.

De plus, il ressort de la due diligence que la société est elle-même mise en cause dans une procédure dans le cadre de laquelle on lui réclame d’importants dommages et intérêts. Vous devez donc aussi vous couvrir pour le cas où cette procédure tournerait en sa défaveur. Dans ce cas, il est conseillé de demander aux vendeurs de pouvoir verser une partie du prix de vente sur un compte bloqué ou qu’ils vous fournissent une garantie bancaire, afin de couvrir ce risque.

Pour terminer, n’oubliez pas de vous couvrir aussi contre certains événements imprévus et inattendus. Ainsi, s’il s’avère par la suite que les anciens propriétaires ont laissé s’écouler de grandes quantités d’huile sur le terrain de l’entreprise, vous n’aurez pas envie de devoir financer la dépollution. Faites donc déclarer par les vendeurs, dans l’accord de reprise, qu’ils n’ont pas entrepris d’actions polluantes, afin que, si cela s’avérait faux par la suite, votre droit à des dommages et intérêts ne puisse pas être contesté.

 

Attention ! Si vous étiez déjà administrateur de la société dont vous reprenez les actions/parts ou que vous vous faites assister dans le cadre de la due diligence et de l’achat par des experts juridiques et financiers, le juge appréciera la chose de manière plus stricte. Il vous sera plus difficile dans ce cas de prouver que vous avez été trompé (Gand, 10.09.2012).

 

Adapter le registre des actions

Une fois l’accord de reprise signé et le prix payé, vous êtes le propriétaire des actions. Le transfert doit être enregistré dans le registre des actions de la société. En principe, ce transfert doit être signé tant par vous même que par les vendeurs. À dater de cette inscription dans le registre des actionnaires, la reprise des actions est opposable à la société et aux tiers.

 

Révocation et/ou nomination du/des dirigeant(s)

Si le transfert vous permet d’obtenir la majorité des titres, alors vous pouvez immédiatement tenir une assemblée générale (spéciale) au cours de laquelle vous pouvez révoquer le(s) dirigeant(s) actuel(s) et vous (ou votre société de management) nommer comme administrateur (délégué). Faites ensuite publier cette décision au Moniteur belge, afin que le monde extérieur vous considère également comme le nouveau dirigeant de la société.

 

Si le transfert ne vous permet pas d’obtenir cette majorité, il est alors conseillé de préciser clairement vos conditions concernant la gestion de la société dont vous allez devenir actionnaire durant les discussions sur la reprise. Si vous avez l’intention de participer à la gestion (journalière) de l’entreprise, il vaut mieux que cela soit mis sur papier. Cela vous évitera des discussions sur le sujet par la suite.

 

Attention aux restrictions de cession !

Si vous reprenez les actions d’actionnaires existants, assurez-vous qu’aucune restriction de cession n’a été convenue entre les actionnaires existants eux-mêmes. Il peut s’agir, par exemple, de clauses d’inaliénabilité, d’un droit de préemption, d’un droit de suite, d’une obligation de suite, etc.

 

En effet, le CSA stipule désormais expressément que les restrictions de cession qui figurent dans les statuts de la société sont opposables aux tiers. En d’autres termes, si une cession a lieu en violation de ces restrictions, elle ne sera pas opposable à la société ou aux tiers si c’est ce que prévoient les statuts. Il importe alors peu que l’acquéreur soit de bonne ou de mauvaise foi. Par conséquent, si vous reprenez des actions d’un actionnaire en violation d’une clause d’inaliénabilité ou d’un droit de préemption statutaire, vous courez le risque de voir la société ne pas vous considérer comme un nouvel actionnaire. Vous aurez alors payé pour des actions avec lesquelles vous ne pouvez rien faire.

 

Vous pouvez prendre connaissance de ces restrictions de cession statutaires en lisant attentivement les statuts de la société. De plus, de telles restrictions doivent désormais également être inscrites au registre des actions de la société (bien qu’aucune sanction ne soit prévue si ce n’est pas fait...).

 

En outre, des restrictions de cession peuvent également être incluses dans une convention entre actionnaires. Vérifiez auprès de votre cédant si une telle convention entre actionnaires existe, et si elle comporte des restrictions de cession.

 

1.1.2. Par le biais d’une augmentation de capital/émission de nouvelles actions

Il est aussi possible d’entrer dans une société existante en lui apportant des capitaux/de l’argent frais (voire du travail), en échange de nouvelles actions.

 

Comment s’y prendre concrètement ?

Nous n’aborderons ici que la situation telle qu’elle se présente dans une SA (et dans l’ancienne SPRL) ou une SRL.

 

Conseil. Si vous vous attendez à ce que de nouveaux actionnaires fassent régulièrement leur entrée dans la société, ou s’il est important que les actionnaires présents puissent en sortir facilement, veillez à prévoir, dans les statuts, la possibilité de sortir aux dépens des capitaux propres de la société.

 

Dans une SA (ou une ancienne SPRL)

Assemblée générale extraordinaire

Ce sont les actionnaires déjà présents dans la société qui décident de l’augmentation de capital. Pour cela, ils tiennent une assemblée générale (extraordinaire), avec l’augmentation de capital à l’ordre du jour. Pour prendre une décision légalement, les actionnaires présents doivent représenter au moins la moitié du capital social et obtenir au moins trois quarts des voix représentées. L’acte d’augmentation de capital doit être rédigé par un notaire.

 

En principe, les actionnaires déjà présents dans la société bénéficient d’un droit de préférence. Cela signifie qu’ils peuvent souscrire en priorité à cette augmentation de capital, en proportion des parts qu’ils possèdent déjà. Si le but est toutefois de faire entrer un nouvel actionnaire, l’assemblée générale doit décider de suspendre ce droit de préférence.

 

Verser les capitaux frais sur un compte bloqué

Vous pouvez alors souscrire à cette augmentation de capital. Vous versez le montant de l’augmentation de capital sur un compte bloqué au nom de la société, avant le passage de l’acte notarié. De cette manière, l’argent va directement à la société et n’est pas distribué aux autres actionnaires. Vous obtenez de la sorte des actions de la société existante.

Le nombre d’actions que vous obtenez dépend du capital existant de la société, du capital supplémentaire qui est apporté et de l’utilisation ou non d’une prime d’émission (sans entrer dans les détails techniques). Votre entrée a, en principe, pour effet de diluer les participations des autres actionnaires.

 

Exemple

Les actionnaires existants ont chacun 50 % des actions. Le capital social s’élève à 100 000 €, et l’augmentation vous permettant d’entrer dans la société porte sur le même montant. Le capital social passe donc à 200 000 €. Vous obtenez ainsi 50 % des actions, alors que les parts des deux actionnaires d’origine passent en principe à 25 % chacun.

 

Révocation ou nomination d’un dirigeant

À moins que votre apport ne vous permette d’obtenir directement la majorité des parts, il est conseillé de vous mettre clairement d’accord au préalable en ce qui concerne la gestion journalière de la société. Mettez donc sur papier si l’objectif est de vous nommer ou non comme administrateur.

 

Dans une SRL

Modification des statuts

Le CSA a aboli le concept de capital pour les SRL. Vous n’êtes donc plus obligé de libérer un certain capital lors de la constitution d’une telle société. De ce fait, il n’est plus non plus question d’augmentation de capital. Bien entendu, il reste possible d’émettre de nouvelles actions et d’effectuer des apports supplémentaires pendant la durée de vie de la société.

 

Les règles relatives à l’émission de nouvelles actions restent cependant largement conformes aux anciennes règles concernant les augmentations de capitaux. Une telle émission nécessite, par exemple, une modification des statuts, comme c’était déjà le cas lors d’une augmentation de capital.

 

Ce qui est nouveau, cependant, c’est que le nouveau CSA élargit l’obligation de rapport dans une telle situation. Avant l’émission de nouvelles actions, l’organe d’administration est tenu d’établir un rapport justifiant le prix d’émission des actions nouvelles et décrivant les conséquences de l’opération sur les droits patrimoniaux et sociaux des actionnaires.

 

Attention 1 ! Si un commissaire aux comptes a été désigné, il doit également établir un rapport dans lequel il apprécie si les données financières et comptables reprises dans le rapport de l’organe d’administration sont, dans tous leurs aspects significatifs, sincères et suffisantes pour informer l’assemblée générale qui doit voter sur la proposition.

 

Attention 2 ! En l’absence de ces rapports ou de l’un d’entre eux, la décision de l’assemblée générale d’émettre de nouvelles actions est nulle et non avenue.

 

Conseil. Si les nouvelles actions sont émises en échange d’un apport en argent, l’assemblée générale, à laquelle tous les actionnaires sont présents ou représentés, peut décider, à l’unanimité, de renoncer à ces rapports.

 

Droit de préférence en cas d’apport en numéraire

Lorsque de nouvelles actions sont émises et souscrites en numéraire, ces titres doivent toujours être proposés en priorité aux actionnaires existants, proportionnellement au nombre d’actions qu’ils détiennent. Cette règle existait déjà, et elle continuera de s’appliquer. Toutefois, étant donné que les obligations convertibles et les droits de souscription peuvent désormais également être émis par les SRL, la loi stipule désormais explicitement que le droit de souscription préférentiel s’applique également en cas d’émission de tels titres en échange d’un apport en espèces.

 

Qu’en est-il du droit préférentiel de souscription s’il existe plusieurs types d’actions ?

S’il existe différents types d’actions, le droit de souscription préférentiel sera désormais réservé aux seuls détenteurs d’actions du type à émettre. En cas d’émission d’une nouvelle catégorie d’actions, tous les actionnaires existants auront un droit de souscription préférentiel pour les actions de cette nouvelle catégorie.

 

Attention ! Les statuts ne peuvent ni limiter ni supprimer ce droit de préemption.

 

Renonciation au droit de préférence ?

Cette possibilité est désormais expressément prévue par la loi. Si tous les actionnaires sont présents ou représentés à l’assemblée générale, ils peuvent renoncer expressément à leur droit de souscription préférentiel. C’était déjà le cas dans la pratique, mais c’est désormais explicitement confirmé par la loi.

Ce qui est nouveau, c’est que l’assemblée générale d’une SRL peut désormais aussi décider de limiter ou de supprimer le droit de préemption dans l’intérêt de la société. Auparavant, cette possibilité existait pour la SA, mais pas la SPRL.

 

Autorisation possible pour le conseil d’administration

Une autre nouveauté est la possibilité offerte aux SRL d’accorder au conseil d’administration une autorisation statutaire d’émettre de nouvelles actions, obligations convertibles ou droits de souscription (cf. le capital autorisé actuel de la SA). Cette autorisation peut être accordée pour une période maximale de cinq ans à la fois. En principe, l’émission d’actions nouvelles par l’organe d’administration (en exécution de cette autorisation) doit faire l’objet d’un acte authentique établi à la demande de cet organe. Les statuts peuvent toutefois prévoir que l’organe peut émettre de nouvelles actions sans devoir immédiatement les modifier ! Dans ce cas, les émissions d’actions et la modification des statuts qui en résulte doivent être constatées avant la fin de chaque exercice comptable par acte notarié établi à la demande de l’organe d’administration. Cela peut, bien entendu, représenter une belle économie si plusieurs émissions d’actions nouvelles sont prévues la même année.

 

1.1.3. C’est aussi simple que ça ? Qu’en pensent les autres actionnaires ?

Dans le cas d’une reprise d’actions, la réponse à cette question dépend de la forme de la société concernée. Bien que cela ait quelque peu changé avec l’introduction du CSA.

Si vous reprenez les actions d’une SA, il n’y a en principe pas de problème. Les actions d’une SA sont en effet en principe librement cessibles. Autrement dit, un actionnaire peut céder ses titres à un « tiers » (donc à quelqu’un d’autre qu’un des actionnaires existants) sans devoir demander l’autorisation des autres actionnaires.

 

Il est toutefois possible de prévoir une exception à ce principe (p.ex. en prévoyant un droit de préemption) dans les statuts ou dans un pacte d’actionnaires. Dans ce cas, la disposition prévue doit bien entendu être respectée.

 

Comme indiqué plus haut, une telle restriction de cession statutaire est en fait opposable aux tiers, vous risquez donc d’entraîner l’achat d’un « chat dans un sac »...

Si vous reprenez les actions d’une SRL, il en va tout autrement, du moins en principe.

Dans une SRL, la loi prévoit en effet que les parts ne peuvent être cédées à un tiers (donc quelqu’un qui n’est ni un actionnaire, ni le conjoint ou le parent en ligne directe d’un actionnaire) que si au moins la moitié des actionnaires représentant au moins trois quarts des droits de vote marquent leur accord. S’il s’avère par la suite que cet accord n’a pas été obtenu, la cession peut être annulée. Les statuts peuvent aussi prévoir des dispositions encore plus strictes. Soyez donc prudent !

 

Le CSA a apporté du changement sur ce point, en ce sens qu’il est désormais possible, dans une SRL, d’opter pour la libre cessibilité des actions. Plus précisément, les statuts de la société peuvent déroger aux dispositions légales précitées, et prévoir que les actions sont librement cessibles. Si nécessaire, les mêmes restrictions de transfert que dans une SA peuvent être incluses dans les mêmes statuts (ou dans un pacte d’actionnaires).

Dans le cas d’une augmentation de capital, aucun problème ne se pose. Ce sont en effet de toute façon les actionnaires existants qui décident de cette augmentation et de l’émission de nouvelles actions, et qui suspendent éventuellement ensuite leur droit de préférence.

 

1.2. Vous devez encore créer la SRL ou la SA

Vous pouvez aussi décider de créer une nouvelle société. Comment devez-vous faire concrètement ?

 

1.2.1. D’abord chez le comptable ou le notaire ?

Si vous optez pour la création d’une SA ou d’une SRL, vous devez toujours le faire via notaire. Ces deux formes de sociétés ne peuvent en effet être créées que par un acte authentique, qui doit être rédigé par un notaire. Vous devez donc dans tous les cas passer devant le notaire pour faire inscrire les statuts de votre SA ou de votre SRL dans un acte constitutif.

 

Si vous optez pour une société de forme « contractuelle » (p.ex. une SNC ou une société en commandite simple), alors vous n’êtes pas obligé de passer chez le notaire. Vous pouvez créer une telle société en signant un contrat (sous seing privé) dans lequel vous-même, votre comptable et/ou votre avocat avez mis sur papier certaines dispositions relatives à l’objet et au fonctionnement de cette forme particulière de société.

 

Si vous constituez une SRL ou une SA, vous devez fournir un plan financier au notaire. D’un point de vue strict, vous pouvez rédiger ce plan vous-même, sans devoir forcément faire appel à un comptable.

Plan financier : intérêt et portée

Dans ce plan financier, les fondateurs exposent ce qu’ils attendent comme revenus et comme dépenses durant les 24 mois qui suivent la constitution. Ils y justifient aussi le montant des fonds propres de départ. En d’autres termes, si vous voulez créer une société avec un capital de départ de 20 000 €, le plan financier devra préciser pourquoi vous pensez que ce montant sera suffisant pour lancer votre activité et la faire perdurer pendant les 24 mois qui suivent.

 

Bien que la notion de capital ait été supprimée dans la SRL et que vous puissiez donc déterminer librement le capital initial avec lequel vous commencerez, l’obligation d’établir un plan financier et de le remettre au notaire avant que la constitution ne puisse avoir lieu a été maintenue.

 

En outre, le CSA détermine désormais ce qui doit être inclus dans le plan financier.

 

La loi stipule que ce plan doit contenir au moins les éléments suivants :

  1. Une description détaillée de l’activité envisagée ;
  2. Un aperçu de toutes les sources de financement au moment de la constitution, le cas échéant avec indication des garanties fournies à cet égard ;
  3. Un bilan d’ouverture établi selon le schéma applicable aux micro-entreprises, ainsi que des bilans prévisionnels après 12 et 24 mois ;
  4. Un compte de résultats projeté après 12 et 24 mois, établi conformément au régime des micro-entreprises ;
  5. Un budget des recettes et des dépenses attendues pour une période d’au moins deux ans après la constitution en société ;
  6. Une description des hypothèses utilisées pour estimer le chiffre d’affaires et la rentabilité attendus ;
  7. Le cas échéant, le nom de l’expert externe qui a participé à l’élaboration du plan financier.

Conseil. Comme par le passé, il n’est donc pas obligatoire que le plan financier soit établi par un professionnel, même si c’est, bien sûr, recommandé. Si vous faites appel aux services d’un professionnel pour l’élaboration de votre plan, son identité doit être indiquée.

 

Le plan financier est présenté au notaire lors de la constitution de la société. Celui-ci se contente alors de mentionner dans l’acte constitutif que ce plan lui a été présenté. Il ne contrôle pas son contenu, mais il conserve le plan dans ses archives. Au contraire de l’acte constitutif de la SA ou de la SRL lui-même, la plan financier n’est pas publié au Moniteur.

 

Il est cependant conseillé d’établir ce plan financier de manière réaliste et réfléchie. Il sera en effet utilisé comme point de départ s’il faut un jour déterminer si la responsabilité des fondateurs doit être engagée, en cas de faillite dans les trois ans qui suivent la création de la société.

En effet, s’il s’avère par la suite que le capital de départ était notoirement insuffisant pour maintenir les activités de la société pendant au moins 24 mois, les fondateurs pourront être considérés comme solidairement responsables des dettes de la société. Il est donc possible que vous risquiez davantage que le capital que vous avez initialement apporté.

 

Attention ! Le fait de se faire assister par un comptable pour l’élaboration de votre plan financier n’implique pas que votre responsabilité ne peut plus être engagée. C’est toujours à vous qu’incombe la responsabilité finale. Le comptable ne peut en principe pas être tenu pour responsable de l’établissement du plan financier. Sa mission se limite en effet à l’établissement du plan sur la base des données que vous lui communiquez.

 

Conseil. Vous risquez votre responsabilité de fondateur si vous n’avez pas agi consciencieusement lors de l’établissement du plan financier et de l’apport du capital dans la société. Le tribunal de l’entreprise de Mons a ainsi condamné les fondateurs aux dettes de la société car, dans leur plan financier d’une société qui allait réaliser un projet immobilier important, ils n’avaient fait référence qu’à un prêt bancaire. Il est apparu par la suite que la banque ne s’était engagée qu’oralement pour ce prêt, et non par écrit. Le tribunal a jugé que cela témoignait d’une « imprudence » des fondateurs (Comm. Mons, 03.10.2013).

 

Lors de l’appréciation du plan financier, il sera tenu compte de tous les éléments qui forment le fonds de roulement de la société (le capital apporté bien entendu, mais aussi un prêt mis à disposition de la société par les fondateurs ou un financement (crédit bancaire) sur lequel ils comptent p.ex.). La Cour d’appel d’Anvers (Anvers, 16.04.2015) a même été un pas plus loin en considérant qu’il y a lieu de tenir compte non seulement de ce qui est prévu dans le plan financier, mais aussi des moyens qui ont effectivement été mis à disposition de la société. En l’espèce, il s’agissait d’un montant important mis à disposition de la société par un fondateur juste après la constitution alors que cela n’avait pas été prévu dans le plan financier. La Cour d’appel a tenu compte de ce prêt pour apprécier le volume du fonds de roulement de la société. Le fait qu’il s’agissait d’un prêt n’a pas posé de problème à la Cour, étant donné que le fondateur n’avait pas demandé le remboursement de la somme prêtée et n’avait pas demandé d’intérêts.

 

1.2.2. Et puis à la banque ?

Lors de la constitution d’une SA, vous devez libérer un capital minimum déterminé. En général, cela se fait sous la forme d’un apport en argent. Dans ce cas, vous devez ouvrir un compte au nom de la future société avant de vous rendre chez le notaire pour signer l’acte constitutif de votre société. Sur ce compte, vous devez verser le montant de votre apport en capital.

 

Bien que la création d’une SRL ne nécessite pas la souscription et la libération d’un capital minimum, les fonds apportés lors de la création de la société doivent toujours être préalablement versés sur un compte spécial au nom de la société, ouvert auprès d’un établissement de crédit établi dans l’Espace économique européen.

 

La banque auprès de laquelle vous avez ouvert le compte vous fournit une attestation prouvant votre versement. Vous devez la remettre au notaire. Si les différents fondateurs versent leurs apports sur ce compte spécial, l’attestation bancaire mentionnera clairement qui a versé quel montant.

Le compte bancaire en question est alors bloqué jusqu’à la constitution définitive de la société.

 

Conseil. Vous pouvez utiliser l’argent qui se trouve sur ce compte pour les activités de la société (p.ex. pour le paiement des premiers frais et des premières factures des fournisseurs) immédiatement après la constitution de la société. Le capital que vous avez versé ne reste donc bloqué que peu de temps.

 

Attention ! Vous devez mentionner votre numéro de compte et le nom de votre institution financière sur tous les documents sortants émis par votre société (lettres, factures, devis, etc.).

 

La libération de ce capital minimum ou de vos apports peut aussi éventuellement se faire par apport en nature (p.ex. des machines, un bâtiment, un stock, un fonds de commerce, etc.). Si vous optez pour un tel apport, vous devez en principe faire établir un rapport validant sa valeur par un réviseur d’entreprise.

 

1.2.3. Les apports en industrie désormais possibles dans la SRL

L’apport en industrie est un apport en nature

Autre nouveauté importante introduite par le CSA : les apports de travail en échange d’actions sont désormais possibles dans les SRL.

Le nouveau Code souligne explicitement que l’apport en industrie peut être qualifié d’apport en nature, ce qui signifie que la valeur de cet apport doit être justifiée et confirmée dans un rapport révisoral. Cependant, son évaluation ne sera pas toujours facile en pratique.

Que se passe-t-il en cas de faillite ou de dissolution anticipée ?

Si des apports en industrie sont effectués, les statuts devront préciser ce qu’il faut faire en cas de faillite ou de dissolution anticipée de la société. En effet, dans un tel cas, l’actionnaire n’a pas encore entièrement « libéré/terminé » son apport, et sera donc tenu de le faire par équivalence, c’est-à-dire sous la forme d’un paiement à la société.

 

Qu’arrive-t-il si le cotisant décède ?

Le CSA stipule qu’en cas de décès, d’incapacité ou de toute autre cause externe à la suite de laquelle le débiteur d’un apport de l’industrie est définitivement dans l’incapacité de remplir ses obligations, les actions qui lui ont été émises en échange de son apport deviendront caduques. Pour l’exercice en cours, il (ou ses héritiers, selon le cas) n’aura dès lors droit à un dividende qu’au prorata du nombre de mois durant lesquels il détenait encore ses titres.

 

Qu’arrive-t-il si l’apporteur en industrie est temporairement « out » ?

Si le débiteur d’un apport en industrie est, pour une raison indépendante de sa volonté (p.ex. une maladie) temporairement dans l’incapacité de remplir ses obligations, pendant une période de plus de trois mois, les droits attachés à ses actions, qui lui ont été accordés en échange de son apport en industrie, sont suspendus pour la durée de cette impossibilité, du moins pendant la période qui dépasse trois mois.

 

Conseil 1. Le CSA stipule explicitement que les statuts peuvent déroger à cette règle. Vous êtes donc libre d’y prévoir d’autres dispositions.

 

Conseil 2. Réfléchissez bien à cette question lors de la rédaction de l’acte constitutif, sans vous limiter aux dispositions légales et/ou à des clauses types. Chaque situation étant différente, vous avez tout intérêt à conclure des conventions claires, concrètes et spécifiquement adaptées à votre situation sur ce sujet.

 

Quelle est l’importance de cet aspect dans la pratique ?

L’introduction de cette possibilité est une bonne chose. Après tout, dans la pratique, il arrive souvent qu’une personne ayant les connaissances et l’expérience d’un secteur particulier s’associe à une personne disposant de fonds lorsqu’elle ne dispose pas de capitaux suffisants pour financer son activité. Et si ces personnes souhaitent opter pour une forme de société à responsabilité limitée, la situation conduit invariablement à un déséquilibre dans la répartition des actions : l’associé ayant les connaissances et l’expérience (le pilier de la société) obtient une participation minoritaire, l’investisseur obtenant, lui, la majorité, avec toutes les conséquences que cela comporte. Jusqu’ici, il était dès lors nécessaire de faire preuve de créativité pour s’adapter à cette situation. Ce ne sera désormais plus le cas, avec cette autorisation des apports en industrie dans les SRL (et les SC), évalués comme des apports en nature.

 

Conseil. Si vous possédez les connaissances et les compétences nécessaires, mais pas les ressources financières requises, envisagez un apport en industrie dans une SRL ou une SC, afin de ne pas vous retrouver dans une position minoritaire vis-à-vis de l’apporteur de fonds.

 

Attention ! Le nouveau CSA introduit, à juste titre, une disposition supplémentaire prévoyant qu’un apporteur en industrie ne peut pas, pendant toute la durée de son apport, concurrencer directement ou indirectement l’entreprise, ni développer une activité susceptible de nuire à l’entreprise ou de réduire la valeur de son action.

 

Conseil. Si vous ou votre coactionnaire apportez une contribution en industrie à la société, veillez à décrire explicitement, dans les statuts ou dans un pacte d’actionnaires, les activités que vous ou votre coactionnaire n’êtes pas autorisés à exercer, ainsi que celles qui, le cas échéant, restent permises. De cette façon, vous évitez les discussions par la suite.

 

1.2.4. Besoin d’autres spécialistes ?

Spécialiste du droit des sociétés : pas un luxe inutile

Jusqu’à l’introduction du nouveau CSA, la création d’une SPRL ou d’une SA était souvent effectuée sur base des modèles standards utilisés par le notaire. Si vous ne vouliez pas de constructions spéciales, ces modèles étaient suffisants dans la plupart des cas.

 

Avec le nouveau Code, la création d’une société (et surtout d’une SRl) implique cependant davantage d’adaptations sur mesure. Les options sont particulièrement étendues pour les SRL, mais elles ont aussi été élargies pour les SA. Lors de la création de votre SRL ou de votre SA, vous devrez donc réfléchir soigneusement aux clauses que vous allez inclure ou non dans vos statuts, ainsi qu’à celles que vous pouvez également inclure dans un pacte d’actionnaires. Il ne sera donc pas superflu de faire appel à un spécialiste pour vous assister dans cet exercice.

Pour les « constructions spéciales »

De plus, si vous souhaitez créer une société dans un but de planification successorale et/ou pour organiser votre succession familiale, il est conseillé de faire appel aux services d’un spécialiste en planification successorale et/ou d’un notaire spécialisé.

 

Le même problème se pose souvent si vous ne vous contentez pas d’apporter de l’argent, mais que l’objectif est aussi, dans le cadre de l’acquisition ou de la construction de terrains ou de bâtiments, de jouer avec des constructions juridiques comme l’usufruit et/ou le droit de superficie.

 

Dans de tels cas, votre notaire ne pourra pas non plus utiliser ses statuts « type », mais il devra établir une solution sur mesure, éventuellement avec l’aide d’un (expert-)comptable ou d’un conseil fiscal spécialisé. Cela vous évitera des problèmes avec le fisc par la suite.

 

1.2.5. Que se passe-t-il ensuite ?

Votre notaire dépose l’acte constitutif (comprenant les statuts) au greffe du tribunal de l’entreprise de l’arrondissement où se trouve le siège social de votre SA ou SRL. Ce dépôt doit avoir lieu dans les 15 jours qui suivent la date de l’acte constitutif. À côté de cela, vous devez aussi faire enregistrer l’acte constitutif au bureau d’enregistrement compétent pour l’endroit où se trouve le siège social de votre entreprise. Si vous passez d’abord chez le notaire, il s’en chargera lui-même.

Après le dépôt de l’acte constitutif, le greffier du tribunal de l’entreprise introduit les données d’identification de l’entreprise dans la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE, l’ancien registre du commerce), qui attribue en retour un numéro d’entreprise à la société. Le greffier s’occupe alors de la publication d’un extrait de l’acte constitutif au Moniteur belge.

 

Suite à ce dépôt de l’acte constitutif, la société acquiert la « personnalité juridique ». Cela signifie qu’à partir de ce moment-là, elle existe en tant que personne distincte, avec ses propres droits et obligations. À partir de la publication, cette personnalité est aussi opposable aux « tiers ». Concrètement, cela signifie que si un client ne paie pas une facture, la société peut s’adresser à un juge pour le faire condamner. Inversement, si la société ne paie pas une facture, le fournisseur concerné pourra en principe la faire citer en justice (elle seule, et pas vous en tant que fondateur).

 

Ensuite, vous (votre comptable) devez encore faire activer votre numéro d’entreprise via un guichet d’entreprise.

 

1.3. Vous voulez créer une société « particulière »

Un certain nombre de « formes de sociétés particulières » doivent, comme la SA et la SRL, être constituées devant notaire. Il en va p.ex. ainsi de la société coopérative. Depuis le 1er mai 2019, on ne peut plus créer de SC que pour des activités ayant réellement un objectif coopératif (comme p.ex. dans le cas de coopératives d’achat).

Pour d’autres, l’intervention d’un notaire n’est pas requise. Il en va p.ex. ainsi de la société en nom collectif (SNC), de la société en commandite (SComm) ou de la société simple.

 

Ces formes de sociétés peuvent, dans certains cas, être plus indiquées qu’une « classique » SRL ou SA. Dans une société en commandite, il est ainsi p.ex. possible de travailler avec un « actionnaire non actif » qui reste complètement dans l’ombre pour le monde extérieur.

 

En principe, pour la constitution de ces sociétés particulières, vous pourrez difficilement utiliser des statuts « type ». Cela nécessite généralement un travail sur mesure, pour lequel vous devez convenir, en fonction de vos objectifs et de votre situation, de ce qu’il faut (faire) mettre sur papier (par un avocat ou un autre spécialiste).

 

N’oubliez pas qu’en ce qui concerne ces formes particulières de sociétés, la loi ne prévoit que peu de règles. Alors que pour la SA et la SRL, le Code des sociétés prévoit très souvent des règles de base, c’est beaucoup moins le cas pour les SNC ou les SComm. Vous devez par conséquent prévoir davantage de dispositions concernant, entre autres, les droits de vote à l’assemblée générale, la procédure à suivre en cas de conflits entre actionnaires, les entrées et les sorties, etc.